lundi 5 avril 2010

toutankhamon-table top de chez bandaï electronics 1983

Je ne sais plus si c'est à l'occasion d'un anniversaire ou d'un Noël qu'on m'offrit Toutankhamon Table Top de chez Bandaï Electronics. Je trouvais la forme du jeu originale, une table avec une sorte d'écran de télévision. C'est plusieurs décennies plus tard, en jouant dans la salle d'arcade de Shenmue, que je découvris l'existence de table spéciale pour certains jeux vidéos.



Je pense que j'avais choisi le jeu sur catalogue de VPC, le thème de l'explorateur archéologue m'ayant avec certitude séduit. Mais aussi la mythologie de l'Egypte antique dont j'étais alors très friand. Il y avait quelque chose d'Indiana Jones forcément. Maintenant je me rends compte que le jeu véhicule plus l'imagerie de l'archéologie du début du XXème siècle (années 20/30), l'âge d'or de cette science. Le personnage que nous manipulons est rondelet, arborant des moustaches. Il est habillé avec un costume typique de cette époque et porte un casque colonial. Son arme de prédilection est un pistolet, automatique semble-t'il. On est loin du Professeur Jones assez bien rasé, ayant plus ou moins la ligne, son chapeau feutre et son fouet. Mais, que voulez-vous, la puissance de la suggestion l'emporte sur le bon sens de la vision.


photo extraite du film « la momie », 1932.


Lorsqu' on a installé les piles le jeu est en mode « démo ». Ainsi nous avons à l'avance un aperçu des évènements à suivre, des péripéties que nous allons vivre. Nous incarnons l'archéologue au moment où il s'aventure dans les couloirs menant à la tombe du roi égyptien Toutankhamon. Des cloisons, des murs lui obstruent le passage et l'empêchent d'avancer comme il le souhaite. Il est en plus harcelé par des chauves-souris puis attaqué par des momies. Il se protège de ses ennemis avec son pistolet. Il doit lors de son avancée récupérer une clef, invisible car supposée cachée.. Cette clef lui permettra d'ouvrir une porte qui le conduira dans un autre passage. Et de passage en passage il arrivera devant une dernière serrure. Une fois déloquée, il aura l'accès libre à la dernière demeure de Toutankhamon.



Le jeu se décompose en cinq tableaux. Le premier ne comprend que des murs à contourner et des chauves-souris à descendre ou à esquiver au choix. Chacune à sa trajectoire et fonce droit sur vous. La particularité de ces petits animaux volants est qu'ils traversent les murs, utilisant certainement des parties endommagées pour se faufiler. Autre détail qui a une importance capitale : nous avons sur nous une quantité limitée de munitions. Nous sommes dans l'obligation de gérer nos cartouches. Il ne s'agit pas de tirer à tort et à travers. L'esquive est aussi un bon moyen d'avancer. Nous pouvons nous déplacer d'avant en arrière, de bas en haut. Il faut aussi faire preuve d'initiative et de rapidité. Dès qu'apparaît la clef, il ne faut pas traîner. Plus tôt on la saisie, plus tôt on passe au prochain tableau. Mais si une chauve-souris nous rentre dedans, notre vie prend fin.

Le suivant est habité par des momies. Jamais plus de deux à la fois en présence. Elles doivent contourner les murs et donc et sont amenées à se mouvoir aussi de bas en haut en s'agrippant au plafond. Nous pouvons aussi les feinter en passant avec rapidité à côté d'elle. Mais pas d'hésitation car si on s'attarde trop à leur contact, c'est la mort sûre et certaine.

Le troisième tableau est rempli de chauves-souris et de momies. Ca se corse !

Celui d'après, les momies en solo, jusqu'à trois à nous agresser en-même temps.



boris karloff dans le rôle de la momie, 1932.


Le cinquième et dernier tableau se présente sous la forme d'une grande pièce sans cloison. Chauves-souris et momies en pagaille apparaissant à un rythme plus soutenu. Dès qu'on a la clef en main direction la serrure. Une fois celle-ci déverrouillée, le mur empêchant d'atteindre la précieuse relique disparaît enfin. Le masque mortuaire de Toutankhamon apparaît, l'antiquité tant convoitée est enfin à nous !

Le jeu est basé sur le score. Chaque ennemi abattu rapporte des points, chaque porte passée rapporte aussi. Puis dès qu'on prend possession du trésor on récolte encore des points. Tous les 5000 points une vie est offerte. Nous en avons trois au début de la partie. Le jeu est basé sur la vitesse d'analyse et d'exécution. Car lorsque nous avons accédé à la relique, nous nous retrouvons au premier tableau. Seul changement, la vitesse de déplacement des créatures hostiles.

réminiscence de l'archéologue explorateur. Illustration de david sarandon.



Le jeu dispose de deux positions en état de veille auxquelles on accède par un bouton à presser (le même que pour le tir). L'une est le mode pendule avec en visuel le mode de démonstration ; l'autre le mode « arrêt de jeu » qui montre notre dernière position en fin de partie ainsi que le score obtenu. Celui-ci reste en mémoire jusqu'à la partie suivante, pratique pour se remémorer sa prestation et mettre la pression à un éventuel archéologue concurrent. Un autre bouton permet d'activer ou de désactiver le son, pratique pour jouer dans son lit peinard sans alerter papa-maman ou sa moitié quelques années plus tard. Un stick incrusté dans le boitier permet de diriger notre petit bonhomme.


J'ai acheté des piles l'autre jour. Le temps n'a pas eu d'effet sur la petite machine. Elle a démarré au quart de tour. Elle n'avait pas fonctionné depuis au moins vingt ans. Impressionnant. Tout ému, je me suis équipé de mon feutre et de mon fouet. Il a claqué dans l'air saturé de poussière. J'ai cisaillé en deux les chauves-souris, lacéré la chair putride des momies embaumées il y a des milliers d'années. La petite musique orientalisante se fait entendre, différente selon les évènements. Mais au loin, en fond, une autre commence à prendre sa place, enlevée et tonitruante. Que voulez-vous, je vous l'ai dit, la puissance de la suggestion l'emporte sur le bon sens de la vision. Sans parler maintenant du sens de l'audition.

mercredi 31 mars 2010

souvenirs de Donkey Kong Game & Watch

Je pense que la première fois que j' ai joué à un jeu vidéo c' est vers le milieu ou fin années 70. C' était le fameux Ping-Pong ou Tennis comme nous l' appelions aussi. J' y jouais chez un copain sur un poste de télévision couleurs. Mais ces souvenirs sont diffus, je n' ai plus en mémoire les sensations de ces moments de jeu. En revanche je me souviens très bien de ma découverte en 1981 de Donkey Kong Game Watch.

C' était durant la période scolaire, un après-midi de la semaine (le jeudi je crois) était réservé au sport ou à une sortie en campagne. Nous étions toute la classe dans le bus qu' y roulait vers la destination du jour. Discussions autour de nos sujets favoris d' alors : b.d., dessins animés japonais, séries t.v. (les feuilletons) et pleins d' autres trucs encore. Soudain, agitation inhabituelle, un évènement se passe. Attroupement autour d' un élève, on se lève des sièges malgré les consignes de sécurité, on se retourne sur sa place pour voir ce qui se passe. Le gars assailli de toute part tient un objet, l' objet de toutes ces convoitises, dans les mains. C' est une petite boite orange, au couvercle ouvert. Qu' est-ce ? Il finit par calmer la troupe. Sa décision est prise, seuls quelques élus auront le droit de toucher l' objet, de le voir de près. J' en fais partie, le garçon en question étant l' un de mes proches camarades. J' attends avec impatience mon tour et l' objet finit par choir dans mes mains. Je découvre la boîte mystérieuse. J' avais compris qu' il s' agissait d'un jeu suite aux explications données à d' autres gars auparavant. Je vis alors quelque chose que je n' avais jamais vu de ma vie.



Je connaissais les salles d' arcades accompagnant les fêtes foraines. Des bornes étaient aussi accessibles dans certains bars. J' avais joué entre autres à Pac-Man, Space Invaders. Les classiques. Mais ce que je ne savais pas c' était que les jeux pouvaient être portables et surtout si petits.J' inspecte l'objet sous toutes les coutures, en apprécie le poids. Je l' ouvre, je le ferme, je l'ouvre. Je suis soigneux, j' y vais assez prudemment sous les yeux inquiets du copain. Il m' explique le jeu : « tu fais avancer le bonhomme en appuyant comme ça sur la croix, tu dois monter tout en haut, évites les tonneaux que te lance le gorille en sautant par-dessus en pressant ce bouton-ci, là faut te servir des plates-formes, et là faudra utiliser le crochet, fais gaffe au gorille qui te lance des trucs sur la tronche, t' as presque rejoint ta fiancée, mince t' es mort, faut que tu recommences ». Le délire total. La durée du trajet en bus ne suffit pas à rassasier mon appétit vidéo ludique. J' ose le tout pour le tout, je sais que je peux tenter. je demande au pote si c'est possible qu' il me le prête. Il me dit oui et au-delà de toutes espérances je peux garder le jeu chez moi pendant UNE semaine. C' est un vrai geste d'amitié. Je vais avoir l' occasion de profiter pleinement du jeu.




Je garde avec soin le jeu chez moi afin d' éviter de l' abîmer, de le perdre ou de me le faire voler. J' ai conscience de la valeur de l' objet et je ne puis décevoir mon ami. Dès que j' en ai l' occasion je suis sur le jeu.Le décor est tout de suite très évocateur. Le haut d' un gratte-ciel de New York, une grue de chantier, images vues et revues dans les séries américaines dont je suis fan depuis longtemps : Matt Helm, Mission : Impossible, Starsky et Hutch. Les films aussi.La situation est invariable : le gars doit défendre sa copine qui s' est mis dans de sales draps, comme d' habitude. Ces filles sont incroyables ! Le méchant est un gorille, c' est carrément King Kong !Le thème, simple et efficace, est la lutte du bien contre le mal, de l' homme contre l' animal mais aussi et surtout de deux individus qui ont le même objet du désir. Parce que ne soyons pas dupes, l' intérêt de toute la dextérité mise en œuvre pour se déplacer le plus vite possible tout en esquivant les obstacles et en feintant ce gorille agressif, c' est la récompense ultime finale : l' expression de gratitude, d'amour, du don de son corps et de son âme symbolisés par ce petit cœur tout mignon qui apparaît comme par magie dès que l' on arrive enfin, épuisé mais comblé, aux côtés de sa belle. Je devais découvrir des années plus tard que l' inspiration de Donkey Kong découlait de toute la fascination de l'homme pour la Bête qui sommeille en lui, représenté souvent par un singe, un gorille voire une créature hybride, parfois même un être élevé au rang de divinité.

illustration de david sarandon.



fresque de Hanuman, dieu hindou, mi-homme/mi-singe, Inde du Nord.



Bref, je suis à fond pendant une semaine. J' ai investi le corps de ce petit bonhomme plat en lcd, terme magique à l'époque qui signifiait à lui tout seul une nouvelle ère à l' instar des montres à quartz et des calculettes électroniques de poche. J' ai ressenti chaque saut , chaque coup, chaque échec, chaque baiser de remerciement. Véritable épreuve physique que de tenir entre ses doigts crispés le destin de ces deux personnages aux prises avec cet animal velu et belliqueux. Il n' y pas non plus de haine envers le Kong. Simplement l'implacable envie de le feinter, de lui faire la nique. La violence est douce, c' est plus le pur plaisir d' éviter les bâtons dans les roues que te mets l' autre qui est malin comme un singe.

Je sais qu' après la semaine écoulée j' ai rendu le jeu à mon pote, fatigué d' avoir arpenté des milliers de fois les passerelles en métal, les genoux pleins de bleus, la tête pleine de bosses, les joues recouvertes de bisous. J' ai repensé longtemps à ce jeu le soir en m' endormant. Je n' ai jamais possédé Donkey Kong mais le cœur de la Belle n' appartient qu' à moi.